Compagnie Cap Sur Scène

Compagnie Cap Sur Scène




Regardez la captation vidéo du spectacle !

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Les spectateurs réagissent :
 

Granville, 31 Juillet 2022.
La compagnie Cap sur Scène nous a menés de la Seine à la Manche le temps d’une soirée et offert la dernière pièce de Jean Anouilh. Dans la belle église de Notre Dame du Cap Lihou, le sujet était dans son cadre : Thomas More l’homme libre. Il fut aimé puis banni, emprisonné et condamné par la méchanceté des hommes pour avoir suivi sa conscience et non recherché les honneurs. La pièce faite d’une mosaïque de courts tableaux tantôt aimables, tantôt effrayants, mis en scène sobrement, nous transporte à Londres à la cour du roi Henri VIII . De magnifiques costumes portés par des acteurs au service d’un texte très moderne qui nous parle d’ici et de maintenant. (Hélène Casassus)


Si le texte d’Anouilh, THOMAS MORE l’homme libre, nous fait pénétrer dans le mystère profond de la conscience, sa mise en scène par Véronique MAAS nous laisse sans voix tant elle a su trouver tous les équilibres. Tout y est à sa juste mesure pour nous permettre d’appréhender les clés du discernement de cet homme que sa fidélité condamne. Dans un rythme soutenu, le texte s’anime par un jeu d’acteurs calibré et maitrisé. On reste saisi par le regard de Thomas More, admirablement joué, qui parvient à nous soutirer des larmes de compassion. Un très beau spectacle inspirant à ne pas manquer. (Xavier Latournerie)

Avec cette pièce Thomas More l'homme libre, Anouilh nous transporte dans l'Angleterre du XVIe siècle au moment où le roi Henri VIII rompt avec l'Eglise de Rome. Cette révolution, accomplie par des hommes au caractère redoutable comme le roi lui-même, à l'intelligence affutée comme Cromwell ou son acolyte Rich vient frapper de front Thomas More qui s'engage dans un combat moral, juridique et spirituel pour maintenir sa liberté de conscience tout en demeurant fidèle au roi. L'intensité de ce combat est remarquablement incarnée par les acteurs qui vibrent sous leurs costumes d'époque en déployant une riche palette d'émotions et de pensées profondes. La magie de la mise en scène opère et on ressort de ce spectacle l'imagination ravie et l'esprit plus éveillé. (Olivier Chmitelin)

Joël Grimaud incarne magnifiquement Thomas More : il nous en fait sentir la profondeur humaine et la lumière.
Les costumes d'époque associés aux décors minimalistes donnent une esthétique picturale à la mise en scène de Véronique Maas : des portraits d'Holbein jaillissent de l'ombre.

La pièce d'Anouilh nous attendrit par sa poésie du quotidien, sa plongée dans l'intimité simple du grand homme entouré de ses petits-enfants. Elle nous fait rire lorsqu'elle oppose, dans deux magistrales scènes de lit, Thomas More en bonnet de nuit, contraint de subir les jérémiades de sa prude et vieille Alice, à Henri VIII, étouffé par les bras d'Anne Boleyn, voluptueuse, pour qui il perd provisoirement la tête. Elle nous fait taire, lorsqu'elle escalade, dans des échanges d'une rare intensité, les marches de la conscience. (Geneviève Desalme)

Palaiseau, salle Audiberti, 6/11/22
J'ai eu le plaisir d'assister à la Première en Île-de-France de la pièce Thomas More l'homme libre et ce fut un véritable enchantement, tant pour le texte de Jean Anouilh, que pour la mise en scène, admirable, les comédiens et les costumes. Courez voir cette pièce sur Thomas More, homme d'exception, libre, juste, aimant... Cela fait beaucoup de bien. Bravo à toute la troupe ! (Véronique Querru)

Neuilly, Théâtre des Sablons, 16 novembre 2022
J'ai assisté à votre pièce. C'était magnifique !!! Je n’ai pas pris le temps de vous le dire. Bravo ! Félicitations ! Quel homme ! Quelle belle représentation vous avez réalisée ! (Yann Bucaille)

Les admirateurs d’Anouilh qui ont lu ou vu son Antigone, ou son Thomas Becket, connaissaient l’intérêt du dramaturge pour les figures de l’humanité dressées contre la raison d’État. À l’histoire il mêle toujours un regard sceptique et même sarcastique sur la nature humaine, facilement encline à la compromission pour protéger son confort ou son intérêt. Le génie d’Anouilh, impitoyable détecteur de nos travers, est d’ailleurs là.

Thomas More l’homme libre est sa dernière pièce : son testament, où se révèle l’état de son esprit, à la fin de sa vie. Où en est l’auteur désabusé ? On est stupéfait par l’élévation du propos d’Anouilh véritablement saisi par le personnage de More, son attitude intransigeante et juste devant la gravité des enjeux. Sur scène, l’heure n’est plus à l’ironie décapante.

L’image qu’Anouilh en donne est exacte. Face à l’idée qu’il se fait de l’honneur, de la foi mais aussi de la politique, le chancelier More sacrifie son poste, son rang, sa famille, jusqu’à son amitié pour le roi. Il mourra, entrant par sa dignité et son courage dans le cercle des grands personnages de la tragédie, mais aussi dans celui des modèles de la liberté de conscience, qui ne cessent de nous éclairer. (Étienne de Montety, directeur du Figaro Littéraire)

J’ai été très impressionné par la qualité de l’interprétation de la pièce de Jean Anouilh qui restitue si bien la force d’âme de Thomas More. La profondeur du texte est réellement incarnée par des comédiens talentueux dont les convictions magnifient les mots. Il ne peut en être autrement d’une pièce dont la transcendance est le véritable sujet. (Jean-Christophe Fromantin, maire de Neuilly-sur-Seine) 


Igny, Salle Isadora Duncan, 19 novembre 2022
En ayant choisi, le 19 novembre dernier, de nous offrir cet ultime message de Jean Anouilh, qui nous apprend ce qu’est l’honneur de l’homme,  vous avez servi l’honneur du théâtre, avec la force et la simplicité du théâtre itinérant, le vrai, celui que nous aimons. Merci à toute la troupe ! (Janine Mauxion)

 
Orsay, La Clarté-Dieu, 15 janvier 2023
Nous avons assisté dans le beau cadre de la chapelle de La Clarté-Dieu à la représentation de THOMAS MORE L'HOMME LIBRE par Cap en scène. Passionnant et émouvant de bout en bout. Sur un plateau qui se transforme ingénieusement (la table qui devient lit notamment) et intelligemment selon les scènes, les acteurs incarnent avec sensibilité ce drame d'un homme qui ne veut pas courber la tête comme tous autour de lui, et affronte son roi, triste de le sacrifier. Bravo également pour les superbes costumes, en particulier ceux des dames, et aux tentures d'Holbein et d'Olivier Maas. Félicitations ! (Anne et François Pernot)

Paris, Notre-Dame d'Auteuil, 4 février 2023
Nous avons beaucoup aimé votre mise en scène, votre jeu à tous, les pas de danse, la profondeur du texte ...et de vos explications (dans le livret).
BRAVO à vous et merci !
Bonne continuation, tous mes vœux à l'Alouette ! (Marie Venutolo)

Merci pour cette magnifique pièce, on en a eu plein les yeux et plein le c
œur. (Sabine de Saint Méloir)

Félicitations pour cette excellente interprétation du texte d'Anouilh, pour la mise en scène et pour les costumes, on s'est régalés ! Mon seul regret dans ce texte est qu Anouilh nous présente la "posture" d homme libre et il nous donne le mode d'emploi de sa conscience mais il ne nous éclaire pas assez sur les idées qui sous-tendent la décision de Thomas More. Le philosophe  reste un peu sur sa faim, sa fille et sa femme aussi. Mais Anouilh voulait rester léger malgré tout. Au fond le contenu n'était pas son sujet. Son sujet c'est la conduite exemplaire, celle qui qui ne se prend pas au sérieux, qui tient ferme sa position tout en gardant de l'humour, beaucoup d'humour, un homme qui suit le Christ dans ses actes. Nous avons aussi été très touchés par le tableau de la décapitation peint par Olivier Maas puis agrandi superbement, qui donne beaucoup de beauté, d'unité à votre troupe, qui lui donne un lien presque surnaturel. Je pense particulièrement au personnage de Thomas More, au regard inspiré et plein de force. (Caroline Dubois)

Paris, Espace Bernanos, 11 février 2023
Chère Véronique Maas,
Encore toutes mes félicitations ainsi qu’à votre troupe, d’avoir si bien réussi à monter « Thomas More » de mon père qui était en réalité un scénario de film.
Heureuse aussi d’avoir vu que la salle était bondée ! Quel succès !
Avec tous mes remerciements. Bien cordialement, Colombe Anouilh d’Harcourt

Paris, Théâtre du Gouvernail, 19 février 2023
Un immense merci pour cette « dernière » qui fut merveilleuse ! Ravie de voir vos visages rayonnants à chacun, et de voir cette salle petite mais comble, et comblée ! Joël Grimaud fut un Thomas More plein de justesse, humilité, bonté, humour, quel talent ! Encore bravo et merci de nous avoir permis de vivre cela !! (Ségolène du Closel)

LA VIDEO DU CETCA

Félicitations pour la pièce que nous avons regardée et écoutée avec le plus grand intérêt. Votre jeu sobre, la splendeur des costumes, l’évocation du temps par la musique et les décors servent au mieux ce texte si intense. (Monique et Denis)

J’ai beaucoup aimé la vidéo de THOMAS MORE L'HOMME LIBRE. C’est somptueux ! Je n’ai pas d’autres mots ! Sauf magnifique, généreux ! Les « lois somptuaires » obligeaient les riches à donner aux pauvres ; là vous donnez de votre talent et de votre fidélité à Anouilh. Et à l’époque !

C’est somptueux par la mise en scène : les tableaux, en arrière-plan, qui rappellent cette époque si trouble, à la fois grande, (quels enjeux ! avec la question de la primauté du pape ou du roi, la naissance de ce concept de « raison d’Etat »...) et si médiocre (qu'en est-il des motifs ? simple désir d’adultère autorisé ou désir pas vraiment plus « légitime » d’avoir une descendance masculine, on ne sait) ; les costumes, qui évoquent toute la nécessité de « tenir son rang », toute une culture (à la fin notre Thomas veut prendre son « manteau d’apparat » pour mourir « dignement »). Et la musique, si appropriée, les menuets Renaissance, le Kyrie splendide, qui dit « tout », au moment de la « destitution ». Bref une mise en scène qui rend compte de l’aspect religieux intemporel comme du temporel.

Et puis, c’est du "Anouilh". Cela m’évoque le prologue de son Antigone (Dieu sait pourtant que je l’ai critiqué !) La tragédie comme mécanisme qui se déroule et se dévide . Et là bravo au jeu des acteurs, et à celui qui joue Thomas, et à celle qui joue sa femme (sa conscience si brave et si perturbante, difficile à vivre). Bonhommie, bonté, joie, qui par les épreuves se transforment en une autre bonhommie, ou tendresse, une autre joie, une autre confiance. Cela ressemble certes au mécanisme d’Antigone, mais là c’est le devenir de la liberté et de la libération.

J’en suis ressortie toute chose. Bref un immense merci à toi et à toute l’équipe ! (Catherine Conrad)



LES PHOTOS DU SPECTACLE

    
THOMAS MORE à NEUILLY-SUR-SEINE

   
     
        
   
       
     
    
   


 
      
 



THOMAS MORE à l'ESPACE BERNANOS :
Photos de Frédérique Berry

 
 
    

   
                                                                  





THOMAS MORE L'HOMME LIBRE est une pièce de Jean Anouilh retraçant le destin exceptionnel du premier chancelier d’Henri VIII, écrivain humaniste auteur de l'Utopie, ami d'Érasme, père de famille très investi dans l'instruction de ses enfants, plein d'humour et de joie de vivre, fin politique et fervent catholique. Sa liberté de conscience et sa foi intègre le conduisirent à refuser de prêter le serment qu’exigea Henri VIII lorsqu’il voulut être reconnu chef de l’Église d’Angleterre. Le roi autocrate, qui appréciait pourtant beaucoup Thomas More, le fit décapiter en 1535…

La Compagnie Cap sur Scène a monté ce spectacle poignant en s’appliquant à souligner l’humanité profonde qui irrigue la pièce de Jean Anouilh comme elle caractérise le personnage de Thomas More. Même si l’intrigue est centrée sur le héros éponyme, les personnages gravitant autour de lui ne peuvent s’y opposer ou au contraire le soutenir que parce qu’ils sont, comme lui, nuancés et subtils. Chacun a donc son importance, qu’il parle beaucoup ou peu, qu’il soit sympathique comme Margaret, la fille de More, d’une intelligence diabolique comme Cromwell, sournois comme Rich ou comique comme Alice More.

Thomas More l’homme libre embrasse ainsi toutes les facettes de l’humanité, des plus tragiques aux plus comiques, des plus tendres aux plus violentes. En convoquant différents arts aux côtés du théâtre (costumes et peintures historiques, musiques et danses Renaissance), le spectacle cherche à faire ressortir ce qui constitue la beauté, la vérité et la grandeur de l’homme, à travers la magnifique figure de Sir Thomas More.


THOMAS MORE L’HOMME LIBRE est une pièce posthume de Jean Anouilh (1910-1987)

AVEC Philippe Bataille : Lord Norfolk, un juge, l’archevêque de Canterbury et un homme au bal, Brigitte Bescherelle : Lady Allington, une servante, Sara Ehrhard : Margaret Rupert, fille de Thomas More, Madeleine et Marguerite Ehrhard, Léonore et Timothée Wintenberger : les enfants de Margaret et de Rupert, Joël Grimaud : Thomas More, Sylvain Herry : Henri VIII, un juge et le curé de Croydon, Thibault Lebouc ou Louis Lopparelli : Richard Rich, secrétaire de Cromwell, Caroline Lepitre : Anne Boleyn, une servante, une dame au bal, Véronique Maas : Alice More, Jean-Baptiste Palmade : Lord Ausley, Rupert, un évêque ; Gary Roland : le tailleur, le moine Blackfair, le lieutenant, un valet ; Antoine Scherrer : Thomas Cromwell 1er secrétaire du roi, et un juge.

CONFECTION DES COSTUMES : Servane Gerbault pour Thomas, Alice et Margaret More, Jeanine Marie-Luce pour Anne Boleyn, Anne-Marie Gluck pour les trois juges, l’archevêque, le curé de Croydon et le docteur Wilson.

Les autres costumes ont été loués au Théâtre de la Mare au diable (Palaiseau).

TABLEAU DE LA DÉCAPITATION : Olivier Maas  

CHORÉGRAPHIE DE LA SCÈNE DU BAL : Ana Yepes 

RÉALISATION ET MISE EN SCÈNE : Véronique Maas, assistée de Jean-Baptiste Palmade



 

 


NOTE D’INTENTION DU METTEUR EN SCÈNE

 

THOMAS MORE L'HOMME LIBRE est une pièce de Jean Anouilh qui retrace le destin exceptionnel du premier chancelier d’Henri VIII, célèbre humaniste auteur de l'Utopie, ami d'Érasme, père de famille très investi dans l'éducation et l'instruction de ses enfants, plein d'humour et de joie de vivre, fin politique et fervent catholique. Sa liberté de conscience et sa foi intègre l’ont conduit à refuser de prêter le serment qu’exigea le roi d’Angleterre lorsqu’il voulut être reconnu comme chef d'une nouvelle Église (l'Église anglicane), se coupant dès lors de l'Église catholique romaine. Henri VIII s’opposait en effet au pape, qui ne l’autorisait pas à divorcer de sa première femme pour pouvoir épouser Anne Boleyn (qu'il fera décapiter ensuite, de même que les épouses qui suivront : on sait qu'Henri VIII a servi de modèle à Barbe-Bleue !) Le roi, qui appréciait pourtant beaucoup Thomas More, le fit décapiter, lui aussi, en 1535…

Trois aspects me semblent essentiels dans la pièce de Jean Anouilh, les deux premiers se retrouvant d’ailleurs dans la personnalité même de Thomas More : d’abord, une profonde humanité, ce qui invite à un jeu sincère, intériorisé, incarné. Ensuite, un certain esprit d’enfance, qui n’a rien à voir avec la puérilité, mais correspond plutôt à une fraîcheur, une simplicité, une authenticité : il y a des enfants dans la pièce, et les personnages, aussi bien Thomas More qu’Henry VIII ou Cromwell, se réfèrent souvent à l’enfant qu’ils ont été. Enfin, un troisième aspect propre à la pièce d’Anouilh consiste en une mise en évidence de la création artistique : non seulement le théâtre y est dévoilé, exhibé comme tel, aux antipodes de toute ambition réaliste, de toute recherche d’illusion théâtrale, mais il est aussi souligné, redoublé par d’autres modes d’expression artistique qui lui font écho.

Jean Anouilh avait classé ses œuvres théâtrales en Pièces roses, noires, brillantes, grinçantes, costumées, baroques, secrètes et farceuses. S’il avait terminé l’adaptation, réalisée à la fin de sa vie, de son scénario de film en pièce de théâtre, il aurait sans doute placé Thomas More l’homme libre parmi les Pièces costumées, à côté de L'Alouette et de Becket ou l'Honneur de Dieu. C’est pourquoi je partirai de cette appellation pour expliciter les trois dimensions de l’œuvre qui m’ont conduite à certains choix de mise en scène.

L’humanité de Thomas More l’homme libre.

Des pièces comme l’Alouette, sur Jeanne d’Arc, Beckett ou l’honneur de Dieu, sur l’archevêque saint Thomas Becket de Canterbury, assassiné sur ordre d’Henri II, ou encore Thomas More, auraient pu être regroupées sous un autre terme que celui de Pièces costumées, celui de Pièces historiques. Mais l’histoire est associée à un cadre, ce qui implique au théâtre des contraintes de « couleur locale », comme le préconisait le drame romantique, au détriment parfois de la simple présence humaine, écrasée par le décorum qui l’entoure. Or, dans ces trois pièces, Anouilh veut mettre en évidence de belles figures humaines, il centre son intrigue sur un héros éponyme autour duquel gravitent les autres personnages, nuancés comme lui. Chaque personnage a ainsi son importance, son individualité, qu’il parle beaucoup ou peu, qu’il soit sympathique comme Margaret, la fille de More, d’une intelligence diabolique comme Cromwell, ou sournois comme Rich.

Même Alice More, plutôt comique dans ses jérémiades, a sa profondeur, dans la mesure où Thomas fait de son épouse la personnification de sa propre conscience morale. C’est ainsi qu’il dit aux juges : « Vous mettrez treize fois ma conscience en accusation, Messieurs. Elle se défendra devant vous. Et croyez-moi, je la connais, elle est scrupuleuse et fière. Si elle se trouve une seule fois en défaut, elle fera amende honorable. Sinon, comme Dieu et le Roi ont voulu que ce soit elle qui décide... nous nous inclinerons, vous et moi, devant elle... Vous savez, je n'en fais pas toujours ce que je veux !... Vous êtes mariés, Messieurs, pour la plupart, je ne vous l'apprends donc pas : quand un homme a une ménagère pleine de vertu et de rigueur, il est bien rare, si arrogant qu'il soit dans le monde, qu'il ne file pas doux à la maison. » Plus loin, il fait gentiment remarquer à sa femme : « Ma conscience est comme vous, Alice, une très bonne femme, mais un peu difficile à vivre. »

Bien sûr, il y a des personnages superficiels, comme Lord Ausley, dont Thomas More dit à sa fille que « c’est un homme charmant. Il passe en dansant au milieu des choses, et il n'est pas mauvais, mais quand il a passé il ne reste rien qu'une trace de parfum dans l'air. Il doit en falloir aussi pour l'équilibre du monde puisque Dieu en a fait beaucoup de pareils... Mais je crains que cette vallée de fleurs qu'ils traversent ne mène nulle part. » Quelle hauteur de vue cependant Thomas More prend-il en en parlant, lui donnant de la sorte une profondeur presque métaphysique !     

C’est dire que les comédiens ne peuvent jamais faire les fantoches, les marionnettes, ni jouer de manière mécanique, caricaturale. Il s’agit, dans Thomas More, d’incarner son personnage, dans une interprétation intériorisée et authentique : il y a, dans le théâtre d’Anouilh, et plus particulièrement peut-être dans cette pièce de la fin de sa vie, une profonde humanité qu’il convient de respecter et de servir. Peu importe dès lors les décors, la couleur locale, car pour ancrer les personnages dans une époque, les costumes suffisent. Ils n’en sont pas moins nécessaires et nous les avons particulièrement soignés : ainsi, le Thomas More de Jean Anouilh, interprété par un comédien de Cap sur Scène, est vêtu comme celui d’Hans Holbein le Jeune, qui en a fait un si beau portrait, en attachant d’ailleurs autant d’importance aux traits du visage qu’au rendu des tissus ! Car, au théâtre plus qu’ailleurs, l’habit fait le moine, et c’est, je crois, dans cet esprit qu’Anouilh appelait certaines de ses pièces « costumées » plutôt qu’historiques : il s’agit de pièces où le projecteur est certes braqué sur les personnages, mais où ces derniers sont bien enracinés dans leur époque, et où le spectateur peut ainsi reconnaître le héros mis en scène, parce qu’il rappelle tel portrait d’époque qui en a été fait.

Thomas More l’homme libre et l’esprit d’enfance.

Le terme de Pièces costumées évoque aussi pour moi les « jeux déguisés » de mon enfance. On se costume, on se déguise, pour s’amuser. Il s’agit moins de se masquer, de mentir, que de jouer, le jeu étant le propre de l’enfance. Or, les enfants sont bien présents dans la pièce d’Anouilh, avec Jenny, Cecily, Jack, Mary, petits-enfants de Thomas More, qui nous ravissent par leur fraîcheur et leur drôlerie. Thomas More lui-même, avec son humour plein de tendresse, a gardé l’esprit d’enfance, on le perçoit bien, par exemple, lorsqu’il dit à Margaret, sa fille chérie : « Je crois que tu es une fille trop indulgente, Margaret, tu m'élèves mal !... » Et lorsqu’il est emprisonné à la Tour de Londres, les enfants lui manquent beaucoup, comme il le confie à Margaret venue le visiter : « Je manque de cris d'enfants ici. Le concierge de la porte sud a une petite fille. En montant sur mon banc, j'arrive quelquefois à l'apercevoir dans la cour. Mais c'est une petite prisonnière déjà, elle est sage et ne crie jamais. »

D’autres personnages, nettement moins innocents, ont, eux aussi, la nostalgie de l’enfance, d’une pureté perdue. C’est ainsi que le roi confie à Anne Boleyn : « Je suis roi. Et j'ai ma besogne de roi que les hommes s'acharnent à rendre puante. Quelquefois à Westminster, pendant la messe, je  regarde l'enfant de chœur. Je voudrais être l'enfant de chœur. » De même, Cromwell pénétrant dans la cellule de More et le trouvant en train de dormir "comme un enfant" lui confie : « Heureux sommeil des consciences tranquilles !... Je vous admire beaucoup, Sir Thomas. Je sais que vous me tenez pour une canaille et un serviteur douteux de mon prince, mais il y a au cœur des canailles, je ne vous l'apprends pas, vous qui savez tout du cœur des hommes – une curieuse nostalgie de l'honnêteté. J'ai été un petit garçon moi aussi, Sir Thomas, rêvant sur des livres d'images... Et puis j'ai compris que la vie n'était pas une histoire en images et qu'il fallait refouler cette nostalgie-là pour survivre. »

L’enfance affleure donc chez les personnages d’Anouilh, du plus pur au plus crapuleux. Même Anne Boleyn est plus une petite fille qu’une femme fatale. « Elle a éclaté de rire comme une enfant », dit une didascalie. Son badinage a l’innocence de l’enfance, et pourtant, quelle ironie tragique, quand on sait que la pauvre reine finira décapitée, comme Thomas More, comme Cromwell et comme les autres épouses d’Henri VIII… « Je peux le dire à mon Seigneur, tant qu'il aimera baiser ma tête, il ne la fera pas couper, mais depuis que je suis toute petite... la Bible m'ennuie... Je te dis ça à toi, Henri, parce que tu es mon amant... Mais ne le répète pas au Roi ! Tu sais que c'est le chef de l'Église maintenant, ça pourrait me faire des ennuis... » Les jeux d’enfants, chez Anouilh, nous conduisent ainsi à la lisière du tragique, tout en redoublant le jeu théâtral, en lui faisant écho.

 

Thomas More et la multiplication des langages artistiques

 

Il y a d’autres échos dans le théâtre d’Anouilh, qui prennent parfois beaucoup d’importance. Ainsi, à la première lecture de Thomas More l’homme libre, pièce parue en 1987 aux Éditions de la Table Ronde, juste après la mort du dramaturge, on a vraiment l’impression de découvrir un scénario de film. En réalité, les deux langages dialoguent et se mettent réciproquement en valeur.                                                 

À la fin de la première scène par exemple, quand la fille de Rupert demande à son père en train d’écrire la vie de Thomas More s’il s’agit de « Celui à qui on a coupé la tête », une séquence filmée est insérée dans la pièce : « Plan de la tête de Thomas More, un sourire mystérieux et apaisé aux lèvres, les yeux clos, à genoux devant le billot. Le bourreau lève son épée. Dans la foule devant la Tour de Londres. Un bruit sourd, un frémissement dans la foule. On voit Rupert plus jeune, serré contre Margaret, tout pâles, tendus tous les deux. Margaret cache son visage contre la poitrine de Rupert, en sanglotant. Rupert la serre davantage contre lui. On reste sur son visage pâle, les traits durcis, une résolution farouche dans les yeux. On entend sa voix. »

Par ailleurs, le Rupert du début, dont on entend ensuite la voix off, n’est pas contemporain de celui qui apparaît au repas de famille et qui, plusieurs années après le drame, a décidé d’écrire la vie de son beau-père. Cela crée un autre dialogue, entre l’écriture biographique et le théâtre. Dans la pièce de Robert Bolt, Thomas More ou l’homme seul (1963), on ne trouve pas ce croisement de différents langages, pas plus que dans le film de Fred Zinnemann qui en a été tiré, Un homme pour l’éternité (1966). Ainsi, dans le Thomas More d’Anouilh, ce sont trois langages artistiques qui se répondent avec subtilité : le cinéma, la biographie, le théâtre.

Il ne nous a hélas pas été possible de conserver cette dimension cinématographique de Thomas More l’homme libre. Cependant, la séquence filmée de la décapitation est remplacée par un tableau peint par Olivier Maas et imprimé sur une grande bâche, présentée dans la dernière partie du spectacle. Il évoque la même scène, et Thomas More, Rupert, Margaret et Alice More y apparaissent sous les traits des comédiens qui les incarnent. En outre, en guise de décor pour le salon de Thomas More, le célèbre portrait de la famille More par Rowland Lockey est exposé en fond de scène, lui aussi imprimé sur une grande bâche. Il y a donc de la « peinture dans le théâtre », à défaut de « cinéma dans le théâtre ».

La « musique dans le théâtre » a, elle aussi, son mot à dire, et les brefs intermèdes musicaux entre les scènes sont des extraits de musique polyphonique de la Renaissance, soigneusement choisis.                               

Enfin, dans le même esprit que ces imbrications de divers langages artistiques, on retrouve dans Thomas More l’homme libre un procédé cher à Anouilh, celui du « théâtre dans le  théâtre ». D’autres pièces, comme La Répétition ou l’Amour puni (1950) ou La Grotte (1961), l’utilisent abondamment. Dans Thomas More, on le rencontre au détour de la dernière conversation, en prison, entre le père et sa fille : « MARGARET. J'ai rencontré Master Harry Patterson, l'autre jour c'était un homme qui vous aimait bien – il m'a demandé tout naturellement : "Et où est votre père ?" Et quand je lui ai répondu : "Toujours à la Tour", il a sursauté, sincèrement je crois, et s'est écrié avec humeur : "Comment ? Mais qu'est-ce qui l'empêche donc de prêter le serment ? Je l'ai bien prêté, moi !" THOMAS MORE, riant gentiment. C'est là un bon mot de comédie ! Un bon mot ingénu, comme les auteurs de pièces n'en trouvent que rarement… » Anouilh aime ainsi montrer du doigt l’artifice de l’écriture théâtrale, en parlant de théâtre – et même de comédie ! – aux moments les plus tragiques. Le cinéma, de même, aurait mis en évidence les artifices du langage dramatique, ce que fait aussi le récit de Rupert.

Tous ces redoublements, jeux d’écho, mises en abîme, permettent au théâtre d’Anouilh, et en particulier à sa pièce sur Thomas More, d’échapper à la tentation du réalisme : il ne faut pas vouloir faire « comme dans la vie », ni imiter servilement le personnage dont on répéterait le rôle ainsi qu’un perroquet. L’ambition d’une pièce comme Thomas More l’homme libre est plus élevée : il s’agit de pressentir et de faire pressentir, en multipliant les approches et les langages artistiques, ce qui fait la vérité et la grandeur de l’homme, par-delà tous les masques et faux-semblants que le théâtre, en les exhibant, permet quelquefois de faire partiellement tomber.



Véronique Maas,
directrice artistique de Cap sur Scène, metteur en scène de Thomas More l’homme libre de Jean Anouilh.



THOMAS MORE L'HOMME LIBRE et les principes du TMLI (Thomas More pour un Leadership Intégral)

Imaginons une troupe de théâtre s’inspirant des principes du Thomas More Leadership Institute…

On s’y exercerait à mettre entre parenthèses son « envie d’exister » par soi-même (puisqu’au théâtre on s’oublie pour incarner divers personnages) et pour soi-même (tout spectacle étant destiné à être offert aux spectateurs).

On y réaliserait un « leadership intégral », chacun selon sa « vocation professionnelle », en essayant de « susciter le meilleur » chez ses partenaires de jeu, parce qu’on s’efforcerait de « donner le meilleur de soi-même », ce qui produirait, inévitablement, une belle œuvre commune.

On y pratiquerait un théâtre de l’incarnation, un théâtre de la présence : celle d’abord des personnages rendus présents, re-présentés, puis celle des comédiens tenus, dans leur offrande, à une « présence authentique », enfin, celle des spectateurs qui seraient là pour recevoir ce présent qui leur est fait.

Quel saint patron conviendrait mieux à cette troupe que celui-là même du TMLI ? Or, il se trouve que Jean Anouilh a écrit sur le saint une pièce magnifique, son œuvre testamentaire en quelque sorte : Thomas More ou l’homme libre.

La pièce associe, de manière très originale, le théâtre et le cinéma. Nous lui associerions en outre la musique polyphonique de la Renaissance et resterions ainsi fidèles à la vocation de Cap sur Scène : faire dialoguer les arts et réunir des hommes pour créer de beaux spectacles.